Dans l’arrêt de la Troisième Chambre Civile de la Cour de Cassation du 6 juillet 2023 (n°22-10.884 publié au bulletin), le litige portait sur des non-conformités contractuelles de l’immeuble édifié consistant en une hauteur sous plafond de 2,48 m au lieu des 2,53 m au rez-de-chaussée et 2,20 à 2,22 m au lieu de 2,50 m à l’étage.
La question soumise à la Cour concernait le caractère disproportionné de la demande indemnitaire formée par les maîtres d’ouvrage, dont le montant équivalait au coût de démolition et de reconstruction de l’ouvrage, par rapport à la gravité des non-conformités constatées.
La Cour de Cassation a considéré que le juge saisi d’une demande de démolition-reconstruction d’un ouvrage en raison des non-conformités qui l’affectent, que celle-ci soit présentée au titre d’une demande d’exécution forcée ou d’une demande en réparation à hauteur du coût de la démolition-reconstruction, doit rechercher, si cela lui est demandé, s’il n’existe pas une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier au regard des conséquences dommageables des non-conformités constatées.
Cour de Cassation, Civ 3e 6 juillet 2023 n°22-10.884 publié au bulletin :
« Réponse de la Cour
Vu les articles 1147, 1149 et 1184 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n 2016-131 du 10 février 2016 :
- Aux termes du premier de ces textes, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.
- En application du deuxième, les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu’il en résulte pour elle ni perte ni profit (3 Civ., 8 juillet 2009, pourvoi n 08-10.869, Bull. 2009, III, n 170).
- Il est jugé, au visa du troisième, que la demande de démolition et de reconstruction d’un ouvrage en raison des non-conformités qui l’affecte peut ne pas être accueillie si elle se heurte au principe de proportionnalité du coût de celle-ci au regard des conséquences dommageables des non-conformités constatées (3 Civ., 17 novembre 2021, pourvoi n 20-17.218, publié).
- En l’état de la jurisprudence, la demande de démolition et de reconstruction peut faire l’objet d’un contrôle de proportionnalité lorsqu’elle est formée au titre de l’exécution forcée ou en nature du contrat, tandis que si elle est présentée sous le couvert d’une demande de dommages-intérêts d’un montant égal à celui de la démolition et de la reconstruction, le juge saisi, qui apprécie souverainement les modalités de réparation et leur coût, n’est pas tenu à un tel contrôle.
- La différence de traitement qui en résulte, tant au regard des droits et obligations des parties placées dans une situation semblable qu’en ce qui concerne l’office du juge, n’apparaît pas justifiée.
- Il résulte des considérations qui précédent que le juge saisi d’une demande de démolition-reconstruction d’un ouvrage en raison des non-conformités qui l’affectent, que celle-ci soit présentée au titre d’une demande d’exécution forcée sur le fondement de l’article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 ou, depuis la date d’entrée en vigueur de cette ordonnance, sur le fondement de l’article 1221 du même code, ou sous le couvert d’une demande en réparation à hauteur du coût de la démolition-reconstruction, doit rechercher, si cela lui est demandé, s’il n’existe pas une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier au regard des conséquences dommageables des non-conformités constatées.
- En cas de disproportion manifeste, les dommages-intérêts alloués sont souverainement appréciés au regard des seules conséquences dommageables des non-conformités retenues, dans le respect du principe de la réparation sans perte ni profit énoncé au point 8.
- Pour allouer aux maîtres de l’ouvrage, à titre de réparation, une somme correspondant au coût de la complète démolition-reconstruction de l’immeuble, l’arrêt retient que la non-conformité contractuelle est sanctionnée par l’exécution en nature de l’obligation méconnue sur le fondement de l’article 1184 du code civil, qu’il s’agit de la seule solution pour remédier à la non-conformité contractuelle résultant de la hauteur insuffisante du plafond du rez-de-chaussée et que le coût et l’importance des travaux portant sur le seul rehaussement du premier étage, associés à l’aléa d’une telle opération, ne permettent pas de retenir le caractère disproportionné d’une démolition-reconstruction.
- En se déterminant ainsi, sans avoir recherché, comme il le lui était demandé, si la solution réparatoire consistant en la démolition-reconstruction du complet ouvrage n’était pas manifestement disproportionnée au regard des conséquences dommageables des non-conformités retenues, la cour d’appel, qui ne s’est déterminée qu’en fonction du coût comparé des solutions réparatoires entre elles, n’a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur l’autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE »