Dans un arrêt du 5 juin 2023, le Conseil d’Etat précise que l’article 1792-7 du code civil n’est pas applicable à la garantie décennale à laquelle sont tenus les constructeurs au titre de marchés publics de travaux.
Pour rappel, l’article 1792-7 du code civil dispose :
« Ne sont pas considérés comme des éléments d’équipement d’un ouvrage au sens des articles 1792, 1792-2, 1792-3 et 1792-4 les éléments d’équipement, y compris leurs accessoires, dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage. ».
Cet arrêt vient encore davantage approfondir la distinction entre les jurisprudences judiciaire et administrative en matière de responsabilité décennale des constructeurs.
Conseil d’Etat 7ème – 2ème chambres réunies 5 juin 2023 n°461341 publié au Lebon :
« 2. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d’épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l’ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s’ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l’expiration du délai de dix ans. La responsabilité décennale du constructeur peut être recherchée pour des dommages survenus sur des éléments d’équipement dissociables de l’ouvrage s’ils rendent celui-ci impropre à sa destination. La circonstance que les désordres affectant un élément d’équipement fassent obstacle au fonctionnement normal de cet élément n’est pas de nature à engager la responsabilité décennale du constructeur si ces désordres ne rendent pas l’ouvrage lui-même impropre à sa destination.
3. En premier lieu, les dispositions de l’article 1792-7 du code civil, aux termes desquelles : » Ne sont pas considérés comme des éléments d’équipement d’un ouvrage au sens des articles 1792, 1792-2, 1792-3 et 1792-4 les éléments d’équipement, y compris leurs accessoires, dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage « , ne sont pas applicables à la garantie décennale à laquelle sont tenus les constructeurs au titre de marchés publics de travaux. Par suite, la société Rousseau ne pouvait utilement se prévaloir devant la cour administrative d’appel de Nantes de ces dispositions pour soutenir que l’action du SHOM était prescrite dès lors que les groupes de production de froid objets du marché ayant pour seule fonction l’exercice de l’activité professionnelle de ce dernier, les principes régissant la garantie décennale des constructeurs ne s’appliquaient pas. Ce motif, qui n’implique aucune appréciation de fait, doit être substitué à celui qui a été retenu dans l’arrêt de la cour administrative d’appel, dont il justifie légalement le dispositif. Dès lors, le moyen tiré de ce que la cour administrative d’appel de Nantes aurait insuffisamment motivé son arrêt et commis une erreur de droit en s’abstenant de rechercher si les équipements en cause avaient pour fonction exclusive l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage est inopérant et ne peut qu’être écarté.
4. En second lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, et notamment de l’attestation fournie par la société de maintenance du matériel informatique du SHOM, que l’ouvrage constitué de locaux hébergeant ce matériel devait être maintenu à une température comprise entre 18 et 20 degrés afin d’éviter une usure prématurée et d’éventuelles interruptions intempestives préjudiciables au fonctionnement nécessairement continu de l’établissement. En jugeant que les dysfonctionnements puis l’arrêt d’un premier groupe frigorifique puis du second groupe s’y étant substitué étaient de nature à rendre l’ouvrage constitué des locaux informatiques impropre à sa destination, la cour administrative d’appel de Nantes n’a pas dénaturé les faits qui lui étaient soumis. »