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Fuite d’eau avant compteur et fondement juridique de la responsabilité de l’exploitant

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La Cour de Cassation a retenu dans un arrêt du 4 septembre 2025, que le dommage causé par la fuite survenue sur une canalisation de distribution d’eau potable, située en amont d’un compteur individuel et sur la propriété desservie, se rattache à l’exécution des obligations de l’exploitant d’un service public industriel et commercial (SPIC) et de celles de l’usager, définies par le règlement de service.

L’action en réparation de ce fait dommageable est fondée sur les règles de la responsabilité contractuelle, de sorte que le demandeur, à savoir l’usager, ne peut se prévaloir, au motif que la canalisation défectueuse constitue un ouvrage public, des règles de la responsabilité sans faute des dommages causés par l’existence ou le fonctionnement d’un tel ouvrage.

Cet arrêt de la Cour de Cassation s’inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence du Conseil d’Etat en la matière.

Il convient de rappeler que s’agissant d’un service public industriel et commercial (SPIC) et non d’un service public administratif (SPA), l’usager doit exercer son action en réparation à l’encontre de l’exploitant, qui est une personne publique, devant le juge judiciaire (Tribunal Judiciaire).

Au regard du contrat d’abonnement liant le distributeur d’eau potable et l’usager, ce dernier fondera son action contre son cocontractant, sur la responsabilité contractuelle de l’article 1231-1 du Code civil.

Cour de cassation , Troisième Chambre Civile 4 septembre 2025 n° 24-17.470 publié au bulletin :

« Vu les articles 1147, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, du code civil et L. 2224-12, alinéas 1er et 2, du code général des collectivités territoriales :

  1. Aux termes du premier de ces textes, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.
  2. Selon le second, les communes et les groupements de collectivités territoriales établissent, pour chaque service d’eau ou d’assainissement dont ils sont responsables, un règlement de service définissant, en fonction des conditions locales, les prestations assurées par le service ainsi que les obligations respectives de l’exploitant, des abonnés, des usagers et des propriétaires. L’exploitant remet à chaque abonné le règlement de service ou le lui adresse par courrier postal ou électronique. Le paiement de la première facture suivant la diffusion du règlement de service ou de sa mise à jour vaut accusé de réception par l’abonné.
  3. Le Conseil d’Etat juge qu’eu égard aux rapports juridiques qui naissent du contrat d’abonnement liant le distributeur d’eau et l’usager, ce dernier ne peut, en cas de dommage subi par lui à l’occasion de la fourniture de l’eau, exercer d’autre action contre son cocontractant que celle qui procède du contrat, alors même que la cause du dommage résiderait dans un vice de conception, de construction, d’entretien ou de fonctionnement de l’ouvrage public qui assure ladite fourniture (CE, 11 juillet 2001, Société des eaux du Nord, n° 221458, publié au recueil Lebon).
  4. Dès lors que le dommage causé par la fuite survenue sur une canalisation de distribution d’eau potable, située en amont d’un compteur individuel et sur la propriété desservie, se rattache à l’exécution des obligations de l’exploitant d’un service public industriel et commercial et de celles de l’usager, définies par le règlement de service, l’action en réparation de ce fait dommageable est fondée sur les règles de la responsabilité contractuelle, le demandeur ne pouvant se prévaloir, au motif que la canalisation défectueuse constitue un ouvrage public, des règles de la responsabilité sans faute des dommages causés par l’existence ou le fonctionnement d’un tel ouvrage.
  5. Pour retenir la responsabilité de la communauté d’agglomération, l’arrêt énonce qu’il est de jurisprudence constante que les canalisations d’adduction d’eau potable, même situées sur des propriétés privées et en amont des compteurs, sont des ouvrages publics, et que, par suite, les conséquences d’une fuite d’un tel branchement reliant la conduite principale au compteur individuel, par un passage sur la propriété d’un abonné, relèvent de la responsabilité du service de distribution d’eau.
  6. Il en déduit que, sans qu’il y ait lieu d’apprécier la régularité des stipulations du règlement de service, la communauté d’agglomération est seule responsable de l’ouvrage et de son entretien et que M. et Mme [C] sont donc fondés à lui reprocher un défaut de surveillance du réseau et un défaut d’entretien normal de la canalisation.
  7. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres tirés de la qualification d’ouvrage public de la canalisation à l’origine du dommage, sans rechercher, comme il lui incombait, si le dommage résultait de l’inexécution par l’exploitant de ses obligations, telles que définies par le règlement de service applicable, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. Portée et conséquences de la cassation
  8. En application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif de l’arrêt condamnant la communauté d’agglomération à payer à M. et Mme [C], d’une part, une certaine somme au titre des travaux de reprise consécutifs à la fuite détectée le 23 septembre 2019, d’autre part, une autre somme à titre de dommages et intérêts pour leur préjudice de jouissance, entraîne la cassation du chef de dispositif rejetant la demande de question préjudicielle et de sursis à statuer déposée par la communauté d’agglomération ainsi que sa demande reconventionnelle en paiement, qui s’y rattachent par un lien d’indivisibilité et de dépendance nécessaire.
  9. Elle n’entraîne pas la cassation du chef de dispositif déclarant recevable la demande de question préjudicielle et de sursis à statuer déposée par la communauté d’agglomération, qui, justifié par des motifs non remis en cause, n’est pas dans un lien de dépendance nécessaire avec les chefs de dispositif cassés. »

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