Dans un arrêt du 14 septembre 2023 (n°22-21493), la Cour de Cassation rappelle que le maître d’ouvrage ne dispose pas par principe d’un délai de 12 ans à compter de la réception des travaux pour exercer l’action directe à l’encontre de l’assureur du constructeur responsable (délai de 10 ans de l’article 1792-4-1 du Code civil + délai de 2 ans de l’article L114-1 du Code des assurances).
La Cour de Cassation rappelle à ce titre que le maître d’ouvrage peut exercer l’action directe contre l’assureur, tant que celui-ci est encore exposé au recours de son assuré d’une part et d’autre part, que quand l’action de l’assuré contre l’assureur a pour cause le recours d’un tiers, la prescription biennale ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l’assuré.
L’action en référé-expertise étant une action en justice au sens de l’article L114-1, alinéa 3, du Code des assurances, elle fait courir la prescription biennale de l’action de l’assuré contre l’assureur.
Cela signifie donc que le délai de prescription biennale de l’article L114-1 du Code des assurances peut être compris dans le délai de forclusion décennale de l’article 1792-4-1 du Code civil ou s’y cumuler (10 ans + 2 ans) suivant si l’assureur est encore ou non soumis au recours de son assuré à l’expiration du délai d’épreuve de dix ans.
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 14 septembre 2023, n°22-21.493, Publié au bulletin :
« Vu les articles 1792-4-1 et 1792-4-3 du code civil, L. 124-3 et L. 114-1, alinéa 3, du code des assurances :
11. En application des deux premiers de ces textes, les actions du maître de l’ouvrage contre le constructeur en réparation des désordres affectant l’ouvrage doivent être exercées, à peine de forclusion, dans le délai de dix ans à compter de sa réception.
12. Si l’action de la victime contre l’assureur de responsabilité, instituée par le troisième de ces textes, trouve son fondement dans le droit de celle-ci à obtenir réparation de son préjudice et obéit, en principe, au même délai de prescription que son action contre le responsable, elle peut cependant être exercée contre l’assureur, tant que celui-ci est encore exposé au recours de son assuré.
13. Selon le dernier de ces textes, quand l’action de l’assuré contre l’assureur a pour cause le recours d’un tiers, la prescription biennale ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l’assuré ou a été indemnisé par ce dernier.
14. Il résulte d’une jurisprudence constante que toute action en référé est une action en justice au sens de l’article L. 114-1, alinéa 3, du code des assurances (1re Civ., 10 mai 2000, pourvoi n° 97-22.651, Bull. 2000, I, n° 133 ; 2e Civ., 3 septembre 2009, pourvoi n° 08-18.092, Bull. 2009, II, n° 202).
15. La qualification d’action en justice au sens de l’article L. 114-1 du code des assurances n’étant pas subordonnée à la présentation d’une demande indemnitaire chiffrée, une action en référé-expertise fait courir la prescription biennale de l’action de l’assuré contre l’assureur.
16. Pour déclarer recevable l’action directe exercée par M. [W] contre la société Groupama Grand-Est, l’arrêt énonce que l’article L. 114-1 du code des assurances soumettant à la prescription biennale toutes les actions qui dérivent du contrat d’assurance, il autorise une prolongation du délai de prescription tant que l’assuré peut exercer un recours à l’encontre de l’assureur.
17. Il s’en déduit, au titre de la garantie décennale, que le tiers lésé dispose, comme le responsable assuré, d’un délai de douze ans à compter de la réception pour agir contre l’assureur du responsable et que l’action exercée par M. [W] contre la société Groupama Grand-Est par conclusions du 2 mars 2017, dans un délai de douze ans à compter de la réception du 4 juillet 2006, n’est pas prescrite.
18. En statuant ainsi, sans constater qu’à la date de l’assignation délivrée par M. [W], la société Groupama Grand-Est était encore soumise au recours de son assurée, qui avait été assignée en référé-expertise le 4 avril 2012, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE ».
Pour rappel :
Article 1792-4-1 du Code civil : délai de forclusion décennale en matière de responsabilité des constructeurs :
« Toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4du présent code est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux ou, en application de l’article 1792-3, à l’expiration du délai visé à cet article. ».
Article L114-1 du Code des assurances : délai de prescription biennalepour les actions dérivant du contrat d’assurance:
« Toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance. Par exception, les actions dérivant d’un contrat d’assurance relatives à des dommages résultant de mouvements de terrain consécutifs à la sécheresse-réhydratation des sols, reconnus comme une catastrophe naturelle dans les conditions prévues à l’article L. 125-1, sont prescrites par cinq ans à compter de l’événement qui y donne naissance.
Toutefois, ce délai ne court :
1° En cas de réticence, omission, déclaration fausse ou inexacte sur le risque couru, que du jour où l’assureur en a eu connaissance ;
2° En cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s’ils prouvent qu’ils l’ont ignoré jusque-là.
Quand l’action de l’assuré contre l’assureur a pour cause le recours d’un tiers, le délai de la prescription ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l’assuré ou a été indemnisé par ce dernier.
La prescription est portée à dix ans dans les contrats d’assurance sur la vie lorsque le bénéficiaire est une personne distincte du souscripteur et, dans les contrats d’assurance contre les accidents atteignant les personnes, lorsque les bénéficiaires sont les ayants droit de l’assuré décédé.
Pour les contrats d’assurance sur la vie, nonobstant les dispositions du 2°, les actions du bénéficiaire sont prescrites au plus tard trente ans à compter du décès de l’assuré. »