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Revirement de jurisprudence : juridiction engorgée, péremption d’instance écartée

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Pour rappel, la péremption d’instance est la sanction qui frappe une procédure judiciaire lorsque pendant plus de deux ans, le demandeur s’est abstenu d’accomplir les diligences qui lui incombaient pour faire avancer l’affaire.

Il s’agit d’un incident de procédure qui sanctionne donc le défaut de diligence des parties.

Etant indivisible, la péremption éteint l’instance à l’égard de l’ensemble des parties.

La péremption d’instance est régie par les articles 386 à 393 du Code de procédure civile.

Par un arrêt du 7 mars 2024, la Cour de Cassation a opéré un revirement de jurisprudence visant à tenir compte de l’encombrement des juridictions et des conséquences induites en matière de péremption d’instance.

La Cour de Cassation a ainsi jugé que lorsque le Conseiller de la mise en état (devant la Cour d’appel) n’a pas été en mesure de fixer, avant l’expiration du délai de péremption de l’instance, la date de la clôture ainsi que celle de l’audience de plaidoirie, il ne saurait être imposée aux  parties de solliciter la fixation de la date des débats dans le seul but d’interrompre le cours de la péremption.

Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 7 mars 2024, 21-23.230, Publié au bulletin :

« Vu l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et les articles 2, 386, 908, 909, 910-4 et 912 du code de procédure civile, ces quatre derniers dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 :

6. Aux termes du troisième de ces textes, l’instance est périmée lorsque aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans.

7. Aux termes du deuxième, les parties conduisent l’instance sous les charges qui leur incombent. Il leur appartient d’accomplir les actes de la procédure dans les formes et délais requis.

8. Selon le quatrième de ces textes, l’appelant dispose d’un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel pour remettre ses conclusions au greffe. Selon le cinquième, l’intimé dispose d’un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant prévues à l’article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.

9. Selon le sixième, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. Néanmoins, et sans préjudice de l’alinéa 2 de l’article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

10. Selon le dernier de ces textes, le conseiller de la mise en état examine l’affaire dans les quinze jours suivant l’expiration des délais pour conclure et communiquer les pièces. Il fixe la date de la clôture et celle des plaidoiries. Toutefois, si l’affaire nécessite de nouveaux échanges de conclusions, sans préjudice de l’article 910-4, il en fixe le calendrier, après avoir recueilli l’avis des avocats.

11. Jusqu’à présent, la Cour de cassation jugeait, en matière de procédure d’appel avec représentation obligatoire, d’une part, que la péremption de l’instance d’appel est encourue lorsque, après avoir conclu en application des articles 908 et 909 du code de procédure civile, les parties n’ont pas pris d’initiative pour faire avancer l’instance ou obtenir du conseiller de la mise en état la fixation, en application de l’article 912 du code de procédure civile, des débats de l’affaire (2e Civ., 16 décembre 2016, pourvoi n° 15-27.917, Bull. 2016, II, n° 281), d’autre part, que la demande de la partie appelante adressée au président de la formation de jugement en vue, au motif qu’elle n’entend pas répliquer aux dernières conclusions de l’intimé, de la fixation de l’affaire pour être plaidée, interrompt le délai de péremption de l’instance mais ne le suspend pas (2e Civ., 1er février 2018, pourvoi n° 16-17.618, Bull. 2018, II, n° 20).

12. Il y a toutefois lieu de reconsidérer cette jurisprudence.

13. En effet, postérieurement à l’arrêt précité du 16 décembre 2016, le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 a inséré, dans le code de procédure civile, un nouvel article 910-4 qui impose aux parties, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, de présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond.

14. Lorsqu’elles ont accompli, conformément notamment aux dispositions de l’article 910-4 du code de procédure civile, l’ensemble des charges leur incombant dans les délais impartis, sans plus rien avoir à ajouter au soutien de leurs prétentions respectives, les parties n’ont plus de diligence utile à effectuer en vue de faire avancer l’affaire, la direction de la procédure leur échappant alors au profit du conseiller de la mise en état.

15. À cet égard, il ressort des auditions réalisées sur le fondement de l’article 1015-2 du code de procédure civile auxquelles il a été procédé ainsi que des documents transmis en application de l’article L. 431-3-1 du code de l’organisation judiciaire que la demande de fixation de l’affaire à une audience se révèle, dans de nombreux cas, vaine lorsque la cour d’appel saisie se trouve dans l’impossibilité, en raison de rôles d’audience d’ores et déjà complets, de fixer l’affaire dans un délai inférieur à deux ans.

16. Il en découle que lorsque le conseiller de la mise en état n’a pas été en mesure de fixer, avant l’expiration du délai de péremption de l’instance, la date de la clôture ainsi que celle des plaidoiries, il ne saurait être imposé aux parties de solliciter la fixation de la date des débats à la seule fin d’interrompre le cours de la péremption.

17. Il résulte de la combinaison de ces textes, interprétés à la lumière de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qu’une fois que les parties ont accompli toutes les charges procédurales leur incombant, la péremption ne court plus à leur encontre, sauf si le conseiller de la mise en état fixe un calendrier ou leur enjoint d’accomplir une diligence particulière.

18. L’arrêt relève qu’aucune diligence n’a été accomplie par l’une ou l’autre des parties depuis les conclusions de l’intimée du 21 décembre 2018.

19. Si c’est conformément à la jurisprudence rappelée au paragraphe 11 que la cour d’appel en a déduit que la péremption était acquise, le présent arrêt qui opère revirement de jurisprudence, immédiatement applicable en ce qu’il assouplit les conditions de l’accès au juge, conduit à l’annulation de l’arrêt attaqué.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur l’autre grief du pourvoi, la Cour :

ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 2 septembre 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; »

Consulter la décision

Article 6-1 de la CEDH : le droit à un procès équitable

« 1.  Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »

Article 386 du Code de procédure civile : la péremption d’instance

« L’instance est périmée lorsque aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans. »

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